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 Mouvement Républicain et Citoyen 44

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Mélenchon - Zemmour une comparaison audacieuse à laquelle se livre M Onfray

Publié le 18 Janvier 2022 par Webmaster-MRC44

Le Mélenchon nouveau est arrivé. Il est avec Eric Zemmour le seul à poser le problème des présidentielles en termes de civilisation. L’un et l’autre sont sur le bon terrain, mais, on s’en doute, ils répondent à cette question de façon radicalement opposée. Zemmour s’avère centripète, penseur de la clôture; Mélenchon centrifuge, penseur de l’ouverture; le premier défend une identité qui procède du nationalisme intégral de Maurras, le second une identité planétaire, mais aussi cosmique, qui s’inspire de Giordano Bruno, nommément cité, le philosophe panthéiste de la pluralité des mondes brûlé par l’Inquisition sur le campo dei Fiori à Rome en 1600; l’un est un homme de l’enracinement, l’autre un individu de la connexion. Zemmour veut pour demain la civilisation d’hier, jusqu’à croire que le retour de la blouse s’avère un instrument efficace de lutte contre la disparition de notre civilisation ; Mélenchon propose pour demain la possibilité d’une civilisation de l’avenir. Soyons clair: l’un est à droite, nostalgique du Drancy de son enfance, l’autre à gauche, nostalgique du futur. Les autres candidats, attachés au piquet de Maastricht, sont ailleurs.

De ce fait, je n’ai pas regardé le rassemblement nantais de Jean-Luc Mélenchon sans un certain intérêt. On y a vu un homme qui pense l’universalisme dans une configuration nouvelle, moins localo-locale que les écologistes de type EELV qui ne voient pas plus loin que le bout du nez de la seule planète Terre, et plus cosmique, sinon cosmogonique. L’auteur que je suis de Cosmos y trouve son compte.

Celui de Décadence vibre lui aussi à un Mélenchon plus inédit, voire plus inattendu. Qui aurait parié hier ou avant-hier sur un homme qui, désormais, met en garde contre «une aggravation de la crise de civilisation»? Il y aurait donc «une crise de civilisation»? On pourrait donc enfin le dire sans passer pour un décliniste, sans paraitre un affreux pessimiste, sans se voir accoler l’infamante étiquette de décadentiste? Avouons que c’est un progrès considérable!

J’ai dit que Zemmour et Mélenchon posent le problème des présidentielles sur le terrain civilisationnel et que l’un et l’autre, hommes de culture passionnés d’Histoire, font paraître pâles les autres prétendants à l’Élysée.

Ces autres prétendants, dont Mélenchon dit avec raison qu’ils incarnent «le centre gauche», incarnent quant à eux une troisième conception de la civilisation : en l’occurrence celle du nihilisme maastrichtien. Car Pécresse & Macron, Jadot & Taubira, Hidalgo & Montebourg, sinon la candidate du parti Animaliste, n’ont rien à redire à la configuration post-nationale définie par l’Europe maastrichtienne, un projet asocial auquel ils ont tous œuvré - sauf le parti des chats et des lapins...

Peu de choses distinguent ces candidats sinon la petite marge d’un style, d’un ton, d’une façon d’être et de faire. Sur le fond, ils défendent un même monde: c’est celui qui se trouve au pouvoir depuis le Mitterrand de 1983. Pécresse fut ministre de Chirac, Macron et Taubira de François Hollande, que soutenait Anne Hidalgo, maire socialiste de Paris. Et Chirac n’a pas caché en son temps qu’il allait voter pour Hollande. Mais aurait-il voté Sarkozy qu’il aurait voté pour le même modèle. La boucle est bouclée…

Tout ce petit monde veut la fin de la France, sa dilution dans l’Europe maastrichtienne qui, à moyenne échéance, s’avère le bras armé d’un gouvernement planétaire [1] qui ne sera pas piloté par les peuples, mais par une élite saint-simonienne [2] constituée par des banquiers, des économistes, des techniciens, des ingénieurs, des entrepreneurs, des bâtisseurs, des scientifiques, des intellectuels du système, en un mot: des gens sérieux…

Ils veulent la fin des États, des nations, des identités, ils travaillent à la détestation des cultures nationales, ils ont la haine des racines, de l’Histoire, de l’instruction publique. J’imagine que, secrètement, ils n’ont lu que deux livres dont ils s’évertuent à faire des catéchismes et des manuels politiques: 1984 d’Orwell et Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Les plus curieux auront aussi lu Les Animaux dénaturés de Vercors. Il est bien évident qu’avec ces gens-là, le wokisme et la cancel culture disposent de petits soldats le doigt sur la couture du pantalon.

Jean-Luc Mélenchon a donc réussi ce tour de force de contrer Eric Zemmour sur son projet de civilisation sans jamais citer son nom. Il n’a pas dit qu’il était contre ceci ou cela, contre tel ou tel, non, il a juste dit ce pour quoi il était.

Un premier temps lui a permis d’envoyer au fossé l’écologie urbaine et boboïde, politicienne et parisienne. Car, chez les Verts, on se croit bien souvent malin en élargissant les préoccupations politiques jusqu’aux limites de la Terre. Mais la Terre c’est très local quand on pense aussi bien en termes de longues durées que d’espaces infinis comme il fut fait. On sait peu de chose de la Terre, on va sur la Lune, mais on n’a guère foré très profond cette planète dont le centre nous est inaccessible à seulement cinq mille kilomètres de profondeur, soit la distance qui sépare Paris d’Abidjan. On ignore les raisons qui produisent l’inversion régulière des pôles magnétiques - la prochaine sera une catastrophe qui perturbera l’ensemble du magnétisme terrestre…-, on n’en sait pas plus sur les vibrations qui déplacent l’axe de rotation de la Terre et qui agissent donc sur les modifications climatiques, on méconnait les déplacements de notre univers dans les plurivers (un sujet, la pluralité des mondes habités, frôlé par Mélenchon…), dès lors, les versions écolâtres sentencieuses sur le réchauffement climatique procèdent autant de la pensée magique que d’une épistémologie digne de ce nom. Mélenchon a eu le mérite d’élargir la question de l’écologie à l’univers situé lui-même dans des univers. C’est une révolution copernicienne, si je puis dire, sur le terrain écologique. Il ringardise Jadot et son tri sélectif, Taubira et son projet d’abolir les taxes sur les produits bio, sans parler d’Hidalgo et ses trottinettes…

Cet espace au-dessus de nos têtes correspond au Nouveau Monde de Colomb. Cette géographie éthérée très concrète fait l’objet d’une guerre sauvage entre les puissants. Où est la France demande Jean-Luc Mélenchon? Bonne question. Dans cette zone apatride se jouent les enjeux de la communication, de la cyberguerre, du renseignement, de la climatologie. On est loin des scooters électriques aux poignées covidées d’Anne Hidalgo, des «hommes déconstruits» au sécateur par Sandrine Rousseau, du remplacement du foie gras par le faux-gras végane d’Éric Piole ou du sapin de Noël métallique bordelais de Pierre Hurmic!

Jean-Luc Mélenchon pose la question du nucléaire à partir de cette espèce d’espace - pour parler comme Pérec: on sait par satellite où sont les têtes nucléaires militaires françaises nomades et celles, sédentaires, des centrales nucléaires civiles du pays. Il dépasse , déclasse et surclasse les opposants à l’écologie qui rabâchent les éléments de langage concoctés par les soixante-huitards et testés dans le Larzac des années 70 du siècle dernier, un coup de casquette supplémentaire sur la tête des Verts old school, en estimant que le danger n’est pas tant dans les déchets nucléaires que dans la possibilité d’un accident involontaire ou dans le désir qu’auraient des pays disposant eux aussi d’une arme atomique qui leur permettrait, via cet espace, de cibler les sites français et de détruire littéralement le pays. Il existe un certain nombre de chefs d’État dont la haine de l’occident se trouve assez forte pour ne pas exclure ce genre d’éradication radicale d’une humanité qui ne leur plait pas. La Turquie islamiste aspire à restaurer l’Empire Ottoman, la Chine confucéenne à refaire l’Empire du Milieu, la Russie chrétienne à retrouver son espace vital soviétique et les États-Unis capitalo-consuméristes entendent bien ne pas laisser tout ce monde-là agir selon ses caprices. Quand il faudra choisir ses alliés dans ces combats de civilisations qui ne manqueront pas d’avoir lieu, ces puissances impériales ne nous demanderont rien d’autre que la question dont Carl Schmitt disait qu’elle était la question politique par excellence: «amis ou ennemis?» Ce jour-là, que pourra faire la France?

Julien Freund (qu’on gagnerait à lire et méditer, c’est le plus grand penseur du politique au XX° siècle [3]) échangeait avec Jean Hyppolite lors de sa soutenance de thèse en 1965. Ce dernier, spécialiste de Hegel, lui reprochait d’utiliser l’opposition ami/ennemi en précisant que, si Freund avait raison, alors il ne lui restait plus qu’à aller cultiver son jardin. L’auteur de L’Essence du politique, et de La Décadence, sinon de La Fin de la renaissance, lui répondit: «Vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi, comme tous les pacifistes. « Du moment que nous ne voulons pas d’ennemis, nous n’en aurons pas », raisonnez-vous. Or. C’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitiés. Du moment qu’il veut que vous soyez son ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin.»

Qui dira que la Turquie, la Chine, la Russie ou les États-Unis, sans oublier le Pakistan qui dispose de la bombe atomique, voire de la Corée du nord qui y travaille, ainsi que l’Iran, ont vocation à être seulement Amis avec la France? Mélenchon a le mérite d’inviter les écologistes old school à prendre des vacances pour envisager désormais le dossier sur le terrain de la géopolitique internationale où l’on imagine mal Anne Hidalgo ou Sandrine Rousseau en situation de négocier avec Poutine, Erdogan, Xi Jinping ou Kim Jong Un…

Un deuxième temps a permis à Jean-Luc Mélenchon d’envisager la question du numérique et de l’Intelligence artificielle. Pas de souveraineté nationale sans souveraineté numérique. Or la domination planétaire des GAFAM ne va pas sans un projet civilisationnel de substitution. Le mot n’a pas été utilisé, mais c’est le transhumanisme que préparent ces milliardaires des réseaux. Tous sont américains…

Elon Musk, l’homme semble-t-il le plus riche du monde, ne se cache pas de travailler à ces projets: ses sociétés Space X pour la conquête spatiale en général, et pour celle de Mars en particulier, et Neuralink, pour la création du post humain génétiquement modifié, élargi et augmenté via les datas qui, bien sûr, sont possédées par les patrons des GAFAM: voilà les forces en jeu!

Où est la France sur ces sujets-là? Mélenchon a raison de dire que le pays se trouve engagé dans ces courses menées par ces milliardaires, mais au service d’un patron qui n’a pas forcément pour objectifs ceux de l’humanisme de la vieille Europe. Le transhumanisme californien est clairement élitiste, il s’adresse à ceux qui auront les moyens de payer non pas leurs transitions sexuelles, un leurre en matière civilisationnelle, un épiphénomène occidental, mais leur transition post-humaine.

Elon Musk prétend avoir été effrayé par les potentialités de l’intelligence artificielle dont certaines auraient été capables de créer elles-mêmes des langages parallèles afin de communiquer dans le dos leur ses concepteurs dans le dessein d’en organiser l’éviction. Devant cet effarement, le milliardaire aurait renoncé à travailler sur l’IA. Je n’en crois pas un traître mot. J’ai même plutôt tendance imaginer que ce ne fut pas de l’effarement, mais d’excitation qu’il a ressentie et qu’elle fut comme une invitation à prolonger dans cette direction. Mais l’aveu public de ce renoncement lui permet de détourner l’attention des médias et de travailler dans l’ombre à ce projet sans lequel il n’y a pas d’avenir transhumaniste. Jean-Luc Mélenchon a eu raison de parler d’intelligence artificielle.

Un troisième temps fut consacré à l’Homme. On imagine bien que les menaces pèsent sur lui: on l’a vu, une menace venue de l’espace, une autre en provenance du monde numérique virtuel, une dernière en provenance directe de l’homme lui-même dans la configuration d’un capitalisme anthropophage.

Il a donné d’effroyables chiffres de la paupérisation planétaire et nationale. Il a illustré ce que Marx a analysé: d’une part des riches de plus en plus riches et de moins en moins nombreux, d’autre part, des pauvres de plus en plus nombreux et de plus en plus pauvres. Puis, la confiscation de ce que Proudhon appelait l’aubaine, autrement dit la force de travail nullement rémunérée à sa juste valeur et qui va dans la proche des propriétaires.

Mélenchon a également mis en relation les catastrophes écologiques et le nihilisme capitaliste - productivisme, immoralisme, inhumanisme. Il a parlé de la pauvreté des jeunes, des étudiants qui doivent travailler le soir, la nuit, les week-ends et doivent se retrouver tôt le lendemain matin sur les bancs des amphithéâtres. Il veut salarier les étudiants: c’est un investissement sur l’avenir que de permettre à cette génération de travailler à ces questions du souverainisme spatial, du souverainisme numérique, du souverainisme alimentaire, du souverainisme économique.

Il met en relation l’Intelligence artificielle et la réduction du temps de travail - c’est un authentique marqueur de gauche, le seul peut-être. J’y souscris. Le travail n’a pas à être considéré comme si nous étions encore au XIX° siècle où il ne s’agit que d’exploitation, ou comme si nous devions évoluer dans un genre de Célesteville futuriste avec revenu universel généralisé, disparition du travail et société allocative qui permettrait à chacun de passer ses journées sur les écrans contrôlés par les GAFAM.

Zemmour & Mélenchon partagent donc ce constat qu’il existe bel et bien une «crise de civilisation». On ne pourra plus dire que, parce que je souscrivais à ce constat chez Eric Zemmour, j’étais ou je suis zemmourien - je suis tout autant mélenchoniste. Il en va juste d’un constat simple, clair et lucide.

L’un et l’autre proposent donc des solutions de civilisation. Je souscris à cet abord des choses.

Eric Zemmour a choisi le passé comme horizon du futur - je ne souscris pas à cette vision des choses. On ne retrouve jamais le temps perdu, demandez à Marcel Proust.

Jean-Luc Mélenchon fait le pari du futur pour le futur, c’est de bon sens. Un projet de civilisation dans lequel il est question d’élargir la vision du réel au cosmos, voire à la pluralité des mondes; de découpler le nucléaire de l’opposition écologique old school pour l’inscrire dans une perspective géopolitique et géostratégique; d’envisager le souverainisme spatial pour décider d’un futur qui soit un destin; de poser la question de l’articulation entre Intelligence artificielle et révolution du travail; d’élargir l’universalisme sans pour autant en faire un colonialisme spirituel et politique, mental et impérial; de songer aux plus petits parmi les nôtres, les jeunes par exemple ou les plus démunis qui ont du mal à manger et à se chauffer, sans pour autant emboucher les trompettes wokistes, le tuba islamo-gauchiste, le pipeau de la cancel culture; la fin de la péroraison avec Louise Michel, voilà qui m’a fait du bien.

Michel Onfray

 Tiré su site de Michel Onfray 

[1] Voir Jacques Attali, Demain, qui gouvernera le monde ? Fayard. On peut lui préférer Ernst Jünger, L’État Universel, Gallimard, un auteur qui figurait en bonne place dans la liste des plagiats effectués par Attali dans certains de ses livres.

[2] Voir l’excellent livre de Frédéric Rouvillois, Liquidation. Emmanuel Macron et le saint-simonisme, Le Cerf.

[3] Le livre est épuisé, mais il faut lire, pour commencer, les entretiens avec Charles Blanchet, L’Aventure du politique (réédité cette année par Perspectives Libres). Les éditions La Nouvelle Librairie viennent par ailleurs de publier une excellente anthologie de l'auteur : Le Politique ou l’art de désigner l’ennemi.

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